Trajectoires des artistes ukrainiens réfugiés : déracinement et enracinement, nomadisme et identités transculturelles#

Résumé de la conférence de Kateryna TARASIUK

le 20 octobre 2025

journée d’études « Les artistes russes, ukrainiens et biélorusses à l’épreuve de la guerre : entre approbation, contestation et escapisme », organisée par l’Université de Lorraine et l’Association française de russisants à Nancy, aux Archives de Meurthe-et-Moselle

La communication met en lumière les trajectoires des artistes ukrainiens réfugiés après le déclenchement de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine, dont les parcours géographiques, souvent non linéaires, traduisent des mutations profondes. Elle tente de comprendre comment ces artistes, engagés dans l’exploration de la corporéité, de la sexualité, de la déconstruction des normes patriarcales et des représentations non hétéronormatives, confrontent le trauma de la guerre et redéfinissent progressivement leur identité artistique. L’étude s’articule autour de quatre axes principaux : les trajectoires géographiques, la retraumatisation et le travail sur le trauma, la redéfinition du soi artistique et l’émergence d’une identité nomade. Autrement dit, elle étudie comment l’émigration forcée influence leurs pratiques artistiques, les obstacles auxquels elles se heurtent et la manière dont elles se projettent aujourd’hui sur la scène artistique, en Ukraine comme à l’international.

Les résultats provisoires d’une série d’entretiens menés avec les artistes suggèrent que l’émigration forcée due à la guerre confère, malgré elle, une visibilité à ces voix, qui résonnent désormais selon de nouvelles modalités à l’international. Leurs œuvres, à l’image des autrices et auteurs, voyagent et font l’objet de nombreuses expositions. À travers leurs pratiques, les artistes explorent sans cesse de nouvelles formes d’expression situées dans un “entre-deux”, à la croisée des frontières identitaires, culturelles et langagières. En observant les démarches de mes interlocutrices et interlocuteurs, se profile la figure du trickster transculturel, théorisée par Madina Tlostanova : celle d’un être en mouvement, naviguant entre plusieurs identités, langues et espaces-temps. Pour la plupart, l’avenir demeure incertain, et leur lieu de résidence actuel apparaît comme un espace transitoire, peut-être rien de plus qu’un point de passage, ce qui entre en résonance avec leurs états d’entre-deux artistiques.

Une série de questions portait sur le rapport des artistes interviewés à l’héritage culturel et artistique russe, sur l’influence qu’il a probablement exercée dans leurs pratiques passées et sur les changements observables aujourd’hui, après près de quatre ans de guerre d’agression totale menée par la Russie contre l’Ukraine. Ces questions portent notamment sur leur relation à la langue, à la littérature et à l’art russes, ainsi que sur leur perception, en tant qu’artistes, des phénomènes socio-culturels qui traversent actuellement l’Ukraine sous une optique décoloniale, comme le Pushkinopad. La recherche est toujours en cours et donnera prochainement lieu à un article en lien avec les axes et thématiques du projet.