Tuer le mâle : enjeux de la représentation des violences réactionnelles dans la prose russophone contemporaine#
Résumé de la conférence de Sylvia CHASSAING (Inalco)
le 3 décembre 2025
journée d’études « Explorer les formes de la violence dans la société poutinienne à travers la littérature contemporaine », organisée par l’Observatoire du sensible
Cette intervention porte sur un cas encore peu étudié dans la littérature russe contemporaine : la représentation du meurtre de l’homme violent par sa victime — un mâlicide — envisagé comme forme littéraire de violence réactionnelle. Dans un contexte culturel marqué par la tolérance vis-à-vis du féminicide, l’injustice épistémique envers les victimes et une longue tradition de récits centrés sur le point de vue masculin (de la Sonate à Kreutzer à Gruz 200), ces textes écrits après 2017 proposent une réponse féministe située. Ils s’inscrivent dans un moment particulier de l’histoire russe, marqué à la fois par l’émergence de nouvelles voix féminines dans le champ littéraire, le mouvement Янебоюсьсказать (2016), la dépénalisation des violences domestiques (2017) et l’affaire Khatchatourian (2018).
À partir de trois œuvres écrites par des autrices de la génération millenial, j’examinerai comment est mis en scène, sous des formes génériques variées (autofiction, roman, conte fantastique), le fantasme, l’acte ou le récit de la mise à mort de l’agresseur. Loin du female revenge spectaculaire de la culture populaire, ces textes montrent une agentivité féminine en demi-teinte : fantasmée, surnaturelle ou immédiatement punie. En représentant la vulnérabilité du corps masculin et la faillite du système qui le protège, ils opèrent néanmoins une forme de self-defense littéraire.